L’édition 2025 de la conférence Microsoft Ignite restera marquée par un tournant stratégique pour le poste de travail moderne. Alors que le « tout cloud » reste la destination finale pour beaucoup, Microsoft vient de reconnaître une réalité opérationnelle : le besoin de flexibilité sur site est toujours là et il ne doit pas être contraint par le matériel.
Jusqu’à hier, l’équation du VDI hybride chez Microsoft comportait une inconnue coûteuse. Pour déployer Azure Virtual Desktop (AVD) dans votre propre datacenter que ce soit pour des raisons de latence ou de souveraineté des données vous étiez techniquement obligés de passer par Azure Stack HCI. Cette dépendance à une infrastructure hyperconvergée spécifique constituait une barrière à l’entrée significative.
Mais Microsoft vient de rebattre les cartes avec une approche « Bring Your Own Infra ».
Le message est clair : utilisez ce que vous avez déjà. En s’appuyant sur Azure Arc, Microsoft permet désormais d’intégrer vos environnements virtualisés existants (VMware, Nutanix, Hyper-V) directement dans le plan de contrôle AVD. C’est la fin de l’obligation hardware et le début d’une véritable agilité hybride. Voici comment cette nouveauté va transformer vos architectures VDI.
Azure Arc : La clé de voûte de l’architecture
Si la contrainte matérielle disparaît, c’est grâce à une technologie pivot : Azure Arc. Dans cette nouvelle architecture, Azure Arc agit comme un véritable pont numérique entre le plan de contrôle d’Azure (dans le cloud public) et votre infrastructure physique (dans votre datacenter).
Concrètement, le processus se veut fluide et non-intrusif :
- L’installation de l’agent : Tout commence par l’installation de l’agent Azure Connected Machine sur vos machines virtuelles locales (qu’elles tournent sous Windows 10, 11 ou Windows Server).
- La « projection » dans le Cloud : Une fois l’agent activé, ces machines locales cessent d’être des îlots isolés. Elles sont « projetées » dans votre portail Azure. Pour l’administrateur, elles apparaissent désormais comme des ressources Azure à part entière, disposant de leur propre identifiant (Resource ID), au même titre qu’une VM native dans une région Azure.
- L’intégration AVD : C’est ici que la convergence se fait. Puisque Azure « voit » désormais vos serveurs locaux comme des ressources gérées, vous pouvez les sélectionner et les assigner directement à un Host Pool AVD.
Le résultat ? Une console de gestion unique. Vous n’avez plus besoin de basculer entre votre vCenter/Prism et le portail Azure pour gérer vos sessions. Vos machines locales obéissent désormais aux ordres du plan de contrôle AVD global.

Au-delà de la technique : Répondre à des contraintes métiers réels
Pourquoi choisir de conserver des charges de travail sur site alors que le cloud offre une scalabilité infinie ? La réponse tient souvent en deux mots : Physique (latence) et Juridique (conformité). Cette nouvelle architecture AVD Hybride cible précisément les scénarios où le « tout cloud » atteignait ses limites :
- Industrie et Design : La quête de la « Latence Zéro » dans les environnements industriels ou les bureaux d’études, la moindre milliseconde compte. Pour des applications graphiques lourdes (CAO/DAO) ou des logiciels de pilotage d’usine, l’aller-retour des données vers un datacenter Azure peut dégrader l’expérience utilisateur. En exécutant les Session Hosts directement dans l’usine ou le bureau local, on garantit une fluidité parfaite. L’utilisateur bénéficie de la puissance de l’interface AVD moderne, mais les pixels et les données sont traités à quelques mètres de lui, éliminant les goulots d’étranglement réseau.
- Santé et Secteur Public : La donnée sanctuarisée pour les hôpitaux, les organismes de défense ou les services financiers, la confidentialité des données n’est pas une option, c’est une obligation légale. Avec cette approche hybride, les données métiers ne quittent jamais l’enceinte de l’organisation. Seules les métadonnées de gestion (l’état de la machine, les logs de connexion) transitent vers le cloud Azure pour le pilotage. Cela permet de bénéficier de la sécurité et de la gestion moderne de Microsoft, tout en respectant les régulations les plus strictes sur la résidence des données (RGPD, HDS, etc.).
- Géographies à contraintes fortes : cette solution est une aubaine pour les entreprises opérant dans des régions où la connectivité internet est instable ou dans des pays imposant des règles drastiques de souveraineté numérique. Elle permet de standardiser la gestion des postes de travail au niveau mondial (via le portail Azure), tout en s’adaptant aux infrastructures locales disponibles dans chaque filiale.
Écosystème et Réalités Terrain : Ce qu’il faut savoir
Cette ouverture d’AVD ne se fait pas seule. Microsoft a travaillé avec ses partenaires historiques pour que l’intégration soit opérationnelle dès le premier jour.
- Le grand gagnant : Nutanix est le partenaire qui s’affiche le plus fort sur cette annonce. Nutanix a confirmé le support officiel d’AVD sur son hyperviseur AHV. Si vous êtes déjà client Nutanix, c’est un scénario « clé en main » : vos clusters existants peuvent héberger des sessions AVD gérées depuis le cloud Azure, sans changer vos outils d’administration quotidiens.
- Citrix et Nerdio : toujours dans la course loin de rendre ces acteurs obsolètes, cette architecture renforce leur utilité. Nerdio, par exemple, se positionne déjà comme l’outil idéal pour orchestrer ces déploiements hybrides complexes (gérer les pools AVD Azure et On-Prem dans une seule interface simplifiée). De son côté, Citrix continue d’apporter sa couche de valeur (protocole HDX, sécurité avancée) par-dessus cette nouvelle flexibilité d’infrastructure.
⚠️ Les limitations à anticiper (Le « Fine Print ») attention, « Hybride » ne veut pas dire « Identique ». Certaines fonctionnalités natives du Cloud ne seront pas disponibles, ou fonctionneront différemment sur site :
- Dépendance au Cloud : même si vos VMs sont locales, le plan de contrôle reste dans Azure. Si votre connexion Internet est coupée, vos utilisateurs ne pourront pas initier de nouvelles sessions (le « Broker » étant inaccessible), même si les données sont chez vous.
- Pas de « Start on Connect » (pour l’instant) : la fonctionnalité magique du cloud qui allume une VM éteinte quand l’utilisateur clique sur l’icône est beaucoup plus complexe à réaliser sur un serveur physique ou un vCenter privé. Attendez-vous à devoir gérer l’allumage de vos machines différemment.
- Le coût caché : utiliser votre propre matériel ne rend pas le service gratuit. Microsoft applique un modèle de facturation à la consommation pour l’utilisation du service AVD sur infrastructure tierce (généralement un coût par vCore/heure), qui s’ajoute à vos coûts de licences habituels.
La fin du compromis VDI ?
Avec cette édition d’Ignite 2025, Microsoft envoie un message fort aux DSI : le Cloud n’est plus un lieu, c’est un modèle opérationnel.
En découplant Azure Virtual Desktop de la couche matérielle Azure (ou Azure Stack HCI), Redmond lève le dernier grand frein à l’adoption massive du VDI moderne. Les entreprises n’ont plus à choisir entre la performance locale et la gestion centralisée du cloud. Elles peuvent désormais avoir le meilleur des deux mondes, sur l’infrastructure qu’elles possèdent déjà.
Pour les équipes IT, le message est clair : il est temps de dépoussiérer vos serveurs on-prem, d’installer l’agent Azure Arc, et de commencer à hybrider votre parc. La VDI de demain se pilote dans le Cloud, mais elle s’exécute là où vous en avez besoin.
Par Louis LEJUEZ, Architecte Cloud Virtualisation – VMCloud
Sources :